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« On ne naît pas femme, on le devient », disait Simone de Beauvoir. Quand Adèle croise Emma, c’est le coup de foudre. Toutes deux débutent alors une relation tant intellectuelle que charnelle, qui permettra à la jeune fille de grandir.
À chaque film d’Abdellatif Kechiche, sa comédienne révélée. Adèle Exarchopoulos raflera à coup sûr le César du meilleur espoir féminin (et pourquoi pas même celui de la meilleure actrice) comme Sara Forestier et Hafsia Herzi* avant elle. Avec La Vie d’Adèle, on assiste à la naissance d’une femme mais aussi à celle d’une actrice. Une fois le film fini, on s’étonne même qu’elle n’ait pas remportée le prix d’interprétation féminine à Cannes en mai dernier. Il faut dire que la comédienne de 19 ans, poussée dans ses retranchements, donne du sien. Elle s’abandonne corps et âme au réalisateur, à la caméra et au spectateur. Extraordinaire, magique, incroyable… il n’y a pas de superlatifs assez puissants pour décrire sa prestation. La performance de Léa Seydoux n’est pas moins excellente mais celle-ci devient presque un personnage secondaire tant Adèle est le centre de l’attention de Kechiche. Après tout, comme le titre l’indique, c’est son histoire qu’il raconte.
Abdellatif Kechiche craignait que les propos de Léa Seydoux empêchent « les spectateurs d’entrer dans la salle avec un cœur vierge et un regard bienveillant ». Qu’il se rassure, on y pénètre peut être avec des préjugés, mais on en ressort avec la certitude d’avoir assisté à un grand moment de cinéma et une Palme d’Or 100% méritée. Ce qui n’est pas toujours le cas. Une fois installé dans son fauteuil, on oublie la controverse (c’est aussi dans la souffrance que naissent les plus belles œuvres) et on se laisse happé par cette passion quasi destructrice. Car c’est bien de ça dont il s’agit, d’un amour passionnel qu’on ne peut étiqueter. Si c’est un homme qui avait été à la place de Léa Seydoux, le film n’aurait été en aucun cas différent. Au final, le fossé qui se creuse entre les feux femmes tient plus du fait de leur appartenance respective à deux milieux sociaux différents qu’au fait qu’Adèle n’assume pas le fait d’aimer une autre femme contrairement à Emma (la question de son orientation sexuelle est anecdotique dans le film).
La Vie d’Adèle dure trois heures. Enfin paraît-il… Car le temps défile sans qu’on y prête attention tant on est captivé par son héroïne, ses scènes de bouffe, de cul, ses pleurs, ses joies, sa vocation d’instit’… Kechiche filme la vie, la vraie, et sa violence sans fioritures. En résulte un film authentique, aussi beau que déchirant.
*Sara Forestier et Hafsia Herzi ont respectivement remporté le César du meilleur espoir féminin pour L’Esquive et La graine et le mulet, deux films réalisés par Abdellatif Kechiche.
Sortie : 9 octobre 2013
De : Abdellatif Kechiche
Avec : Adèle Exarchopoulos, Léa Seydoux, Salim Kechiouche, Jérémie Laheurte, Alma Jodorowsky, Benjamin Siksou…
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