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SPOILERS
Huit ans après Silent Hill, Christopher Gans est de retour derrière la caméra. Avec un budget de 35 millions d’euros, le réalisateur s’est fait plaisir et n’a pas eu froid aux yeux. Mais La Belle et la Bête rate le coche. Si le film regorge d’ambitions, il ne les atteint jamais.
Après le naufrage de ses navires, un marchand ruiné doit s’installer à la campagne avec ses six enfants. Alors qu’il entreprend un voyage qui pourrait lui permettre de refaire fortune, il découvre le domaine magique de la Bête qui lui promet la mort après l’avoir vu voler une de ses roses. Belle, la plus jeune de ses filles, décide de se sacrifier à la place de son père.
Si on est séduit par la sublime photographie, l’esthétique soignée et les superbes costumes de Pierre-Yves Gayraud inspirés de l’époque Empire, difficile d’accrocher avec ce film plus consacré à ses effets spéciaux (pas toujours réussis) qu’à son histoire. Le film a beau s’intituler La Belle et la Bête, Christophe Gans préfère se concentrer sur des éléments complètement dispensables… Etait-ce vraiment nécessaire que Belle ait autant de frères et de sœurs ? À part représenter un pseudo danger, en quoi ces brigands cupides sont intéressants ? Mais surtout à quoi servent ces tadums, pauvres chiens victimes de la malédiction de la Bête, transformés en petites bêtes aux yeux mouillées bien mignonnes mais inutiles ? Ah oui, c’est vrai, on oublie que Gans a voulu réaliser un film tout public. Mal lui en a pris.
En jouant la carte de l’œuvre familiale, le cinéaste en oublie la force même du conte de Madame de Villeneuve (1740). Oui, La Belle et la Bête est empli de féerie, et d’objets enchantés mais c’est surtout une histoire d’amour non conventionnel ou la beauté du cœur et de l’esprit l’emporte sur l’aspect physique… Or le réalisateur se concentre volontairement sur Belle. Pour un fan autoproclamé des monstres en qui il voit des surhommes fascinants, il ne prête pas plus attention que ça à la Bête. La jeune femme passe ses journées seule à parcourir le domaine, elle ne voit son hôte qu’au moment du dîner et encore celui-ci ne reste jamais très longtemps et lui demande sans cesse de se taire. En fait, ces deux-là ne se parlent quasiment jamais. Mais Belle finit tout de même par tomber « amoureuse » de lui. Elle le découvre à travers des flashbacks qui se révèlent finalement les meilleurs moments du film. Des scènes qui nous permettent de souffler, d’en découvrir un peu plus sur ce prince maudit dont l’intérêt pour Belle est noyé sous une avalanche d’effets numériques. Des images censées rendre hommage aux plus célèbres œuvres de Fantasy (de Hayao Miyazaki au film Legend) mais au final étouffantes.
Concernant le casting, le talent de Vincent Cassel (qui retrouve Christophe Gans après Le Pacte des loups) n’a jamais autant été sous-exploité. Le cinéaste éludant toute la noirceur nourrissant le récit initial, la Bête devient presque un second rôle. Ici, on ne reste qu’en surface. Même la version Disney va plus loin dans le traitement du caractère sombre et tourmenté de son héros. Du côté de Belle, une actrice dans la veine de Victoire Belezy (Fanny, Marius) aurait été plus crédible. Léa Seydoux n’est clairement pas à sa place. On ne remet pas en cause son talent car il faut en avoir pour tourner dans un film pratiquement réalisé que sur fonds verts. On la préfère néanmoins dans des films moins lisses comme Grand Central ou La vie d’Adèle.
Soixante-huit ans après la version culte de Jean Cocteau, Christopher Gans signe une neuvième adaptation de La Belle et la Bête sans magie. Peut être mieux vaut-il attendre la dixième ? Celle réalisée par Bill Condon avec Emma Watson dans le rôle-titre. On devrait y trouver son compte en matière de ténèbres et de personnages torturés.
Sortie : 12 février 2014
De : Christophe Gans
Avec : Léa Seydoux, Vincent Cassel, André Dussollier, Audrey Lamy, Sara Giraudeau, Eduardo Noriega, Myriam Charleins, Jonathan Demurger, Nicolas Gob, Louka Meliava, Yvonne Catterfeld…
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