La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche vient tout juste de remporter la Palme d’or quand en mai dernier, une partie de l’équipe technique compare le tournage à une « grosse galère ». En cette rentrée, le film fait de nouveau polémique avec les déclarations de Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos qui ont évoqué des conditions de travail « horribles » dans une interview donnée au Daily Best. La première allant jusqu’à déclarer qu’elle ne travaillera plus « jamais » avec le réalisateur franco-tunisien. Il est vrai que Kechiche est réputé exigeant. Entre conscience professionnelle et harcèlement moral, il y a toutefois un grand pas que certains ont franchi. Retour sur 10 réalisateurs dont le perfectionnisme a pu frôler la folie.
Le plus fou
1. WERNER HERZOG
Le but du réalisateur allemand, filmer l’impossible. Pour ça, tout ce qui arrive dans le scénario doit également arriver dans la réalité. Sur le tournage d’Aguirre, la colère de Dieu, son équipe doit traverser une rivière en plein milieu de la jungle pour les besoins d’une scène. Les rapides sont extrêmement dangereux, tout le monde peut se noyer d’une minute à l’autre. Pas de problème pour Herzog qui fait attacher ses techniciens par des cordes à un radeau. De même, pour Fitzcarraldo en Amazonie où le cinéaste charge une centaine de locaux d’hisser un bateau au sommet d’une colline. Six techniciens filment de l’intérieur du navire, lui-même soulevé par des câbles qui peuvent rompre à tout moment. Résultat : trois d’entre eux sont blessés à la fin de la journée. Travailler pour Herzog peut donc se révéler dangereux. Et ce n’est pas l’équipe du documentaire La soufrière, embarquée par le cinéaste sur un volcan en pleine éruption et intoxiquée par ses gaz toxiques, qui dira le contraire. Pour sa défense, il est le seul réalisateur à pouvoir supporter de travailler avec Klaus Kinski, acteur encore plus dingue que lui. Le ton est d’ailleurs monté plus d’une fois entre les deux amis. Sur le tournage d’Aguirre, Herzog menacera carrément Kinski de lui coller une balle dans la tête s’il s’avise de quitter le plateau. Malgré le fait d’être un véritable danger public, Werner Herzog est surtout connu pour être le réalisateur ayant mangé une chaussure. En effet, c’est la promesse qu’il avait faite à Errol Morris, un étudiant en cinéma, pour le pousser à achever le film dont il ne cessait de parler. Gates of Heaven qui traite du business des cimetières d’animaux domestiques sort en 1978, il tient sa promesse deux ans plus tard dans le documentaire Werner Herzog Eats His Shoe.
Le plus obsessionnel
2. FRANCIS FORD COPPOLA
Apocalypse Now ! À l’évocation du film de Francis Ford Coppola, on ne peut s’empêcher de penser à sa célèbre scène d’hélicoptères mise en musique par La Chevauchée des Walkyries de Richard Wagner ainsi qu’à son illustre tournage. Un tournage aussi culte que le film qui fera l’objet d’un documentaire Aux cœurs des ténèbres : L’Apocalypse d’un metteur en scène en 1991. Filmé dans une véritable zone de guerre (Coppola a le soutien du gouvernement philippin et reçoit du matériel militaire), des tirs et des explosions se font entendre à quelques mètres du plateau. L’acteur principal Martin Sheen fait une crise cardiaque au milieu de la jungle et lutte durant 500 mètres avant de trouver de l’aide. Terrifié à l’idée de voir son acteur transféré dans un hôpital américain, Kubrick répand la rumeur que Sheen ne souffre que d’une vilaine insolation. Il sera de retour moins d’un mois après son attaque. Pendant son absence, le cinéaste fait venir son frère des États-Unis pour le filmer de dos (une technique réutilisée par Steven Spielberg dans Indiana Jones et le temple maudit). Après 238 jours de tournage, Coppola devient parano, a perdu 40 kilos, se drogue et tente de mettre fin à ses jours pendant que l’équipe se mutine. Le film proche du désastre tant humain que financier (le budget initialement de 17 millions $ tournera finalement autour des 30) obtient la Palme d’Or à Cannes en 1979 (ex-aequo avec le film allemand Le Tambour). Une bien maigre consolation pour un tournage aussi apocalyptique que le titre du film.
Le plus possessif
3. ALFRED HITCHCOCK
Outre son talent de metteur en scène, Alfred Hitchcock était connu pour être obsédé par ses actrices (leur contrat stipulait d’ailleurs qu’elle devait passer au minimum une heure par jour avec lui). Une obsession qui atteint son paroxysme avec Tippi Hedren, héroïne des Oiseaux et Pas de printemps pour Marnie. Sur le tournage du premier film, le réalisateur ne prend pas de gants. Durant cinq jours, il envoie de vrais oiseaux directement sur Hedren pour rendre une scène plus réaliste. Insatisfait, il les fait attacher à l’actrice qui manque de se faire arracher un œil. Le maître du suspens est tellement obnubilé par la jeune femme qu’il la fait suivre tout en la menaçant de détruire sa carrière si elle ne cède pas à ses avances. Une menace qu’il finira par mettre à exécution. Après le tournage de Marnie, Hedren demande à ce que le contrat qui la lie au réalisateur lui soit rendu. Pour se venger, le réalisateur refuse. Elle ne travaillera pas pendant les trois années qui suivent. Moins médiatisée, les réalisateurs font de mois en moins appel à elle. Mais Tippi Hedren n’est pas la seule à avoir subi les excentricités d’Hitchcock. Pour Les 39 marches, le cinéaste qui considère les acteurs comme du bétail (selon ses propres mots), donne dans l’humour macabre dès le premier jour de tournage. Pour les besoins d’une scène, Robert Donat et Madeleine Carroll sont menottés l’un à l’autre. Après plusieurs prises qu’il juge mauvaises, Hitchcock s’éclipse et prétend avoir perdu la clé. Il ne reviendra les libérer que plusieurs heures plus tard. Si Alfred Hitchcock ne ménageait pas ses acteurs, et encore moins ses actrices, on notera néanmoins que la majorité d’entre elles ont travaillé plusieurs fois pour lui. À croire qu’elles étaient aussi masochistes qu’il était sadique.
Le plus manipulateur
4. LARS VON TRIER
Björk est ressortie si traumatisée de Dancer in the Dark qu’elle s’est promise de ne plus jamais faire de cinéma. Apprenant que Nicole Kidman jouerait sous sa direction dans Dogville, la chanteuse n’a pas hésité à envoyer une lettre à l’actrice pour lui déconseiller de travailler avec lui. Elle écrit: « Il mangera votre âme ». La star australienne a dû regretter de ne pas l’avoir écouter. Après la sortie de Dogville, elle préféra ne pas jouer dans la suite du film et déclarera à propos du tournage : « Un jour c’était un conte de fées, le lendemain c’était un cauchemar ». Même Paul Bettany ira de son petit commentaire : « Une expérience hideuse… Vous êtes totalement son jouet ». John C. Reilly abandonnera quant à lui, le tournage de Manderlay choqué par une scène où un âne doit être abattu.
Même ceux qui n’ont pas tourné sous sa direction en ont peur. Eva Green qui devait incarner l’héroïne d’Antichrist refusa le rôle finalement dévolu à Charlotte Gainsbourg, après sa rencontre avec le réalisateur. Elle explique à L’Express : « Les choses ont commencé à se compliquer à partir du moment où nous avons abordé les scènes plus intimes. J’ai compris qu’on ne pouvait pas discuter avec M. Lars von Trier. Il faut tout accepter de lui, comme on accepte tout d’un maître. Cela ne s’est donc pas fait ».
Le plus militaire
5. JAMES CAMERON
« Je n’ai pas vraiment suivi la controverse entourant Zero Dark Thirty mais quand il s’agit de torture, je fais confiance à la femme qui a été mariée trois ans à James Cameron », dixit Amy Poehler qui ne plaisantait qu’à moitié lors des derniers Golden Globes Awards (revoir ce fabuleux moment ici). Iron Jim, de son surnom, n’a jamais été connu pour sa tendresse envers ses acteurs. Linda Hamilton, qui a aussi été son épouse durant deux ans, en sait quelque chose. En plus d’être contrainte à un régime strict sur le tournage de Terminator 2 : Le Jugement dernier, Hamilton est entraînée par un agent du Mossad et apprend à charger une arme les yeux bandés pendant que James Cameron l’assaillent d’objets et lui demande son numéro d’identification. L’actrice n’est pas la seule à avoir subi l’acharnement de James Cameron. Mary Elizabeth Mastroianni a fait une dépression durant le tournage d’Abyss. Le film se déroulant quasi intégralement sous l’eau, le réalisateur de Titanic ne voulait pas perdre de temps. Il prit l’habitude de lui interdire les toilettes et l’obligeait à s’uriner dessus. Même Ed Harris finit en larmes après une scène où il faillit se noyer. Autre lubie du cinéaste, il n’autoriserait pas ses équipes à voir la lumière du jour, celles-ci devant travailler de l’obscurité du matin jusqu’à celle du soir…
Le plus colérique
6. DAVID O. RUSSELL
S’il est devenu ami avec Mark Wahlberg dont le film Les rois du désert marque la première de leurs sept collaborations, le feeling n’est pas vraiment passé entre David O. Russell et George Clooney. Selon l’acteur, le réalisateur humiliait physiquement et verbalement l’équipe de tournage. Il a même déclaré que ce fut l’une de ses pires expériences ciné et que la vie était « trop courte » pour de nouveau travailler avec lui. Les deux hommes en sont même venus aux mains. Durant la production du film, le cinéaste aurait frappé un figurant puis pris Clooney à la gorge le traitant de fillette alors qu’il tentait de l’arrêter. Cinq ans plus tard, David O. Russell se met l’actrice Lily Thomin à dos sur le tournage tendu de J’adore Huckabees. On peut même visionner leurs disputes dantesques sur Youtube. Mais à Hollywood, l’histoire la plus célèbre concernant David O. Russell est celle dite de la cravate. Explications. Le réalisateur d’Happiness Therapy aurait tenté d’étrangler Christopher Nolan à l’aide d’une cravate lors d’une fête. Il le tenait pour responsable du départ de Jude Law de son film J’adore Huckabees pour tourner dans Memento. Résultat : Jude Law est revenu sur sa décision. Malgré cette réputation de réalisateur colérique, le cinéaste peut se targuer d’avoir une équipe d’acteurs fidèles. Outre Mark Wahlberg, Christian Bale, Jennifer Lawrence, Amy Adams ou Bradley Cooper (qu’on retrouvera tous au casting de son prochain film American Hustle) tournent régulièrement pour lui.
Le plus excentrique
7. CECIL B. DEMILLE
Véritable tyran sur ses tournages, Cecil B. DeMille exigeait que chacun s’implique à 100%. Des requêtes qui dépassaient souvent l’entendement comme en 1927 sur le plateau du film Le Roi des Rois. Il fit signer aux acteurs principaux de ce film retraçant la vie de Jésus Christ, un contrat les contraignant à vivre de manière biblique pendant cinq ans pour préserver la nature spirituelle de l’œuvre. En 1935, plusieurs cascadeurs furent blessés et des chevaux tués lors du tournage du film Les Croisades. Peu précautionneux quand il s’agissait de sécurité, le réalisateur fut sa propre victime sur le même tournage quand des archers tirèrent quelques flèches (par accident ?) dans sa direction. Pour sa version de Samson et Dalila en 1949, Cecil B. DeMille va jusqu’à demander à l’acteur Victor Mature d’affronter un lion vivant, ce qu’il refusera bien évidemment de faire… À la décharge du cinéaste, l’animal était apprivoisé et édenté.
Le plus excessif
8. AKIRA KUROSAWA
Son surnom Tenno (empereur, en japonais) en dit long sur sa personnalité. Capable d’utiliser de véritables flèches sur ses acteurs pour Le Château de l’araignée (1957), Akira Kurosawa construit des décors gigantesques et très chers qu’il n’utilise que quelques jours (Barberousse, 1965) ou fait brûler jusqu’au sol après une seule et unique scène (Ran, 1985). Et pour faire régner l’ordre sur son plateau, le réalisateur nippon a sa technique bien à lui. Il choisit ’un de ses acteurs et en fait son souffre-douleur attitré afin d’encourager le reste de la distribution à donner le meilleur d’elle-même.
Le plus sadique
9. DAVID FINCHER
À l’instar de Stanley Kubrick, David Fincher aime cumuler des centaines de prises. Des prises qu’il n’hésite pas à effacer s’il est mécontent du résultat. Ce qu’il fit sur le tournage de Zodiac devant un Jake Gyllenhaal effondré après des heures de travail dans l’unique but de le faire pleurer. Robert Downey Jr, au casting du même thriller, devait quant à lui uriner dans des pots dispersés autour du plateau, le réalisateur ne l’autorisant pas à aller aux toilettes. L’acteur résuma plus tard la situation en déclarant qu’il était la personne adéquate pour travailler avec Fincher puisqu’il comprenait les « goulags ». Une suite de comportements quelque peu vicieux qui n’empêchera pas certains acteurs de travailler plusieurs fois avec lui, à l’instar de Brad Pitt qui tourna trois fois sous la direction du réalisateur (Se7en, Fight Club, Benjamin Button).
Le plus perfectionniste
10. STANLEY KUBRICK
127 fois ! C’est le nombre de fois que Shelley Duvall a du menacer un Jack Nicholson psychotique avec une batte de baseball pour Shining. L’actrice se souvient encore du tournage du film culte qui dura un an au lieu des quatre mois prévus. Elle est si stressée qu’elle s’en rend physiquement malade, ses cheveux finissant même par tomber. Le perfectionnisme de Stanley Kubrick le pousse à refaire des centaines de fois les mêmes scènes. Ainsi Sidney Pollack s’est levé d’une chaise, a marché et ouvert une porte, durant deux jours d’affilée pour les besoins d’une scène d’Eyes Wide Shut.
ET AUSSI…
OLIVER STONE
Pendant que Sean Penn (U-Turn : Ici commence l’enfer) compare le réalisateur à « un porc », Richard Dreyfuss (W) dit d’Oliver Stone qu’il est un fasciste. Ambiance ! La palme revient toutefois à Blake Lively qui a offert à toute l’équipe de tournage du film Savages, des t-shirts où était inscrit : « J’ai survécu à Oliver Stone ».
JOHN FORD
Le réalisateur de La Chevauchée fantastique, Qu’elle était verte ma vallée, La Prisonnière du désert ou L’Homme tranquille est réputé pour être le seul homme au monde à avoir fait pleurer John Wayne.
MICHAEL BAY
Comparé par Megan Fox à Hitler après les tournages des deux premiers volets de Transformers, Michael Bay la remplace par Rosie Huntington-Whiteley pour le troisième épisode. Depuis les deux fortes têtes se sont réconciliés et travaillent de nouveau ensemble sur la très dispensable adaptation ciné des Tortues Ninja.
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