Depuis Graine de violence (1955), les films illustrant le corps enseignant sont légion. Qu’ils nous fassent rire ou pleurer, on a de la compassion pour ces instituteurs dont la patience et la vocation sont mises au banc d’essai chaque jour de cours. À l’occasion de la sortie des Héritiers (en salle depuis le mercredi 3 décembre) où Ariane Ascaride décide de faire passer un concours d’Histoire à sa classe la plus faible, tour d’horizon des vingt profs les plus mémorables.
Le plus dépressif
Henry Barthes dans DETACHMENT (2012)
Adrien Brody broie du noir dans la peau d’Henry Barthes. Prof remplaçant dans un lycée difficile, il tente tant bien que mal de garder le contrôle de sa classe en adoptant une attitude détachée, mais deux jeunes filles aussi déprimées que lui viennent tout chambouler. Après le racisme avec American History X (1998) et l’avortement avec Lake of Fire (2006), Tony Kaye aborde l’éducation. Avec Detachment, il dresse le portrait d’un système éducatif laissé à l’abandon par un État tout aussi démissionnaire que les parents. Le réalisateur tape du poing et fait mieux qu’un rapport pondu par une obscure commission.
La plus trash
Elisabeth Halsey dans BAD TEACHER (2010)
Dans Bad Teacher, Cameron Diaz est une enseignante irrévérencieuse et je m’en-foutiste qui préfère passer des DVD à ses élèves plutôt que de leur faire cours. Mais une fois larguée par son riche fiancé, elle est obligée de reprendre ce métier qu’elle exècre. Du moins en attendant de se refaire les seins et de séduire son nouveau love interest (Justin Timberlake étonnement tordu et repoussant). Malheureusement, comme tout bonne comédie US qui se respecte, Bad Teacher de Jake Kasdan délaisse le genre potache pour un happy end traditionnel. Dommage car Cameron Diaz, reine du juron, excelle dans l’art du trash.
La plus à bout
Sonia Bergerac dans LA JOURNÉE DE LA JUPE (2009)
Dans La journée de la jupe de Jean-Paul Lilienfeld, une prof excédée qui récupère le pistolet d’un de ses élèves et finit par retenir sa classe en otage. Ou la mise en joue comme nouvelle méthode d’éducation. Pour son retour sur grand écran, Isabelle Adjani obtient le César de la meilleure actrice. Son cinquième. Pourtant ce petit film polémique dont personne ne voulait était au départ uniquement destiné à la télé. Lors de sa diffusion sur Arte, il réunit plus de 2,2 millions de téléspectateurs (une des plus fortes audiences de l’histoire de la chaîne), ce qui permit d’avancer sa sortie en salles.
Le plus réaliste
François Marin dans ENTRE LES MURS (2008)
Palme d’Or au festival de Cannes 2008, Entre les murs narre l’année scolaire d’un prof de français passionné qui se heurte à des élèves démotivés. Contrôles, conseils de classe, rencontres parents-professeurs… rien n’est oublié. Pas même les joutes verbales entre élèves à la tchatche infatigable et le prof passé pro en matière de répartie. Après Ressources humaines (1999) où il s’intéressait aux relations patron-salarié, Laurent Cantet continue dans le cinéma social en traitant cette fois-ci de l’éducation. Aidé par François Bégaudeau dont il adapte le roman (celui-ci est réellement prof en dehors des plateaux), et une bande de jeunes acteurs amateurs tous confondant de naturel, Cantet signe un film ultra-réaliste proche du documentaire.
Le plus toxico
Half Nelson dans HALF NELSON (2007)
Initialement, le Half Nelson est une position de combat qui permet d’immobiliser son adversaire. Ici, c’est le nom d’un prof d’histoire accro au crack et à la dialectique qui se met en tête de sauver ses élèves voués à l’échec. À moins que l’une d’entre eux ne le sauve d’abord. Après un passage très remarqué aux Festivals de Deauville et Sundance, Half Nelson lance définitivement la carrière de Ryan Gosling (Danny Balint, N’oublie jamais, Drive…), déjà auréolé d’une jolie réputation dans la cour des grands.
Le plus bourru
William Forrester dans À LA RENCONTRE DE FORRESTER (2001)
Fan de basket et écrivain prometteur, Jamal traîne sa peine et ses rêves dans le Bronx jusqu’à sa rencontre avec William Forrester. L’ado se lie d’amitié avec ce grand auteur solitaire, primé il y a des années pour son premier et unique roman. Un personnage directement inspiré de J. D. Salinger qui n’écrivit qu’un livre (L’attrape Cœurs) avant de se retirer de la vie publique. Avec À la rencontre de Forrester, Gus Van Sant signe une ode à la littérature pleine d’espoir.
Le plus magique
Severus Rogue dans HARRY POTTER (2001-2011)
Avec ses cheveux gras et sa mine d’enterrement, Severus Rogue (Alan Rickman) fait d’Harry sa bête noire dès son arrivée. Enfin c’est ce que J.K. Rowling veut nous laisser penser… Car sous ses airs inquiétants, le spécialiste des potions magiques est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Harry a beau le détester, le public adore ce prof aigri ravagé par un amour passé. Ce n’est pas sans raison que Rogue ait été sacré personnage préféré des lecteurs de la saga littéraire par un sondage réalisé par la maison d’édition du jeune sorcier (Harry ne se place que quatrième).
Le plus excessif
Kitano dans BATTLE ROYALE (2000)
Dans un futur proche, le Japon décide de remettre à sa place la jeune génération devenue trop insolente. L’Etat met en place la loi « Battle Royale ». Chaque année une classe de troisième est tirée au sort pour aller s’entretuer sur une petite île isolée. Critique indirecte du système éducatif japonais prônant l’élitisme, Battle Royale traite également du rapport entre la jeunesse et ses aînés. Dans ce film d’anticipation adapté du best-seller homonyme de Koshun Takami, Takeshi Kitano interprète un prof tortionnaire pour qui la pédagogie est risible et la persécution nettement plus efficace. Le choc de l’année 2000.
La plus bitchy
Eve Tingle dans MRS TINGLE (1999)
Mrs Tingle terrorise sa meilleure élève qui a besoin de la note maximale en histoire. Accusée de tricherie avec ses amis, celle-ci se rend chez sa prof afin de lui prouver leur innocence mais l’explication vire vite à la persécution. Pour sa première réalisation, Kevin Williamson, scénariste des Scream et autres Souviens-toi l’été dernier, retourne sur les bancs de l’école mais délaisse le teen movie horrifique pour un huis clos angoissant entre une prof sadique et ses élèves qui voudraient bien lui donner une bonne leçon. Dans le rôle de l’élève tortionnaire, Katie Holmes prend un malin plaisir à quitter les habits de la gentille et naïve Joey (Dawson) pour incarner une première de la classe aux dents longues. Quant à Helen Mirren alors encore méconnue du grand public, elle nous ferait presque regretter le plus tyrannique de nos profs.
Le plus remonté
Trevor Garfield dans 187 : CODE MEURTRE (1997)
En Californie, les gangs utilisent le nombre 187 pour parler de meurtre (une référence directe à la section 187 du Code Pénal qui définit l’homicide). Dans 187 : code meurtre, Trevor Garfield (Samuel L. Jackson) hérite d’un poste de prof de bio dans un lycée difficile après avoir été agressé quelques mois plus tôt à l’arme blanche par un de ses élèves. Le cauchemar recommence aussitôt mais Garfield n’a cette fois-ci, pas l’intention de se laisser faire. Bien remonté, l’ancien instit’ pacifique penche désormais du côté de la loi du Talion. Film coup de poing sur la violence scolaire, 187 : code meurtre nous entraîne dans une avalanche de colère où les élèves n’hésitent pas à familiariser leur prof avec la roulette russe.
Le plus martial
Jonathan Shale dans THE SUBSTITUTE (1996)
Juan Lacas (Marc Anthony) agresse sa prof en plein jogging matinal. Une mauvaise idée de la part du délinquant. Le compagnon de la victime, un ancien militaire incarne par Tom Berenger décide en effet de se faire passer pour son remplaçant. Autant Marc Anthony n’est pas une seconde crédible en chef de gang, autant Berenger vous ferait marcher au pas dans la seconde. À son arrivée, ça ne moufte plus dans ce lycée où les dealers font la loi. Les élèves deviennent de vrais petits soldats dociles et appliquent à la lettre le credo de leur nouveau prof : « L’échec n’est pas une option ».
La plus obstinée
Louanne Johnson dans ESPRITS REBELLES (1995)
Basé sur l’autobiographie de LouAnne Johnson, Esprits rebelles est le succès surprise de 1995. Marine de profession, LouAnne quitte l’armée pour le monde de l’enseignement mais se heurte à une bande de gamins difficiles. D’abord déconcertée, elle parvient à gagner leur confiance. Touchant malgré une bonne dose de clichés, Esprits rebelles devient un vrai phénomène aidé par une bande son devenue culte. Gangsta’ Paradise de Coolio (où ce dernier reprend le refrain de Pastime Paradise de Stevie Wonder) est le single le plus vendu cette année là. Une série télévisée dérivée sera même produite l’année suivante (elle sera annulée au bout de 17 épisodes).
Le plus passionné
John Keating dans LE CERCLE DES POÈTES DISPARUS (1992)
Ce n’est pas au son du rock’n’roll mais avec quelques poésies que John Keating (Robin Williams) initie toute une classe d’un lycée privé à l’anticonformisme. Pour ces jeunes coincés entre traditions austères et parents trop sévères, la poésie a un goût de révolution. Basé sur les souvenirs de collège du scénariste Tom Schulman (Oscar du meilleur scénario original), Le cercle des poètes disparus nous fait regretter de ne pas avoir eu un prof bondissant sur les tables criant « Carpe Diem » à la volée. Robin Williams qui remplace Liam Neeson initialement pressenti, a certainement éveillé quelques vocations.
La plus musicale
Soeur Mary Clarence dans SISTER ACT 2 (1992)
Alors que sa carrière décolle à Las Vegas, Deloris Van Cartier (Whoopi Goldberg) est rappelée par la mère Supérieure pour reprendre l’identité de Sœur Mary Clarence. Objectif : sauver l’école où les Sœurs sont devenues enseignantes. Fidèle à elle-même, Deloris transforme sa classe de musique en chorale. Laminé par la critique (on ne voit quasiment plus les sœurs et la BO est beaucoup moins entraînante), Sister Act 2 se révèle même légèrement frustrant pour le spectateur. On se laisse toutefois séduire par le cabotinage de Whoopi Goldberg et le talent de ses élèves. Et puis on aurait bien aimé, nous aussi, une prof qui nous fasse chanter du gospel au lieu de nous faire jouer de la flûte.
Le plus policier
John Kimble dans UN FLIC À LA MATERNELLE (1990)
Vous craignez pour vos enfants ? John Kimble sera prendre soin de votre progéniture. Policier infiltré pour convaincre une mère d’élève de témoigner contre un dangereux baron de la drogue, l’interprète de Terminator est d’abord dépassé puis vite attendri par sa classe de petits en danger. Entre deux films d’actions, Arnold Schwarzenegger entend prouver avec Un flic à la maternelle que sous ses muscles se cachent, une douceur insoupçonnée et un grand sens de l’humour.
Le plus baroudeur
Indiana Jones dans LES AVENTURIERS DE L’ARCHE PERDUE (1981)
Ses cours d’archéologie ont beau faire partie des plus prisés, Indiana Jones (Harrison Ford) est trop aventurier pour s’enterrer à la fac. D’ailleurs il exhorte souvent ses étudiants à lâcher leurs bouquins pour partir sur le terrain. Et pour éviter de se faire renvoyer pour absentéisme, l’historien le plus sexy du cinéma déniche de vieilles reliques aux quatre coins du globe pour contribuer à la renommée de son université.
Le plus drôle
Gérard Barbier dans LE MAÎTRE D’ÉCOLE (1981)
Vendeur de vêtements, Gérard Barbier (Coluche) se fait renvoyer pour avoir défendu un enfant qui avait volé une paire de bottes. Il décide alors de se reconvertir dans l’enseignement mais ce nouveau poste n’est pas de tout repos pour le prof inexpérimenté. Sous couvert d’une comédie, le film de Claude Berri (tiré du roman Mémoires d’un éducateur de Jules Celma) parle de la difficulté d’enseigner. En plus de devoir gérer sa collègue dépressive et contrôler sa classe d’agités, Le maître d’école doit aussi éviter de perdre ses élèves lors d’une sortie en forêt. Raté !
Le plus rédempteur
Mark Thackeray dans LES ANGES AUX POINGS SERRÉS (1967)
Médiocre est l’élève qui ne dépasse pas le maître. Après avoir joué l’ado perturbateur dans Graine de violence, Sidney Poitier joue à son tour les profs idéalistes. Basé sur le roman semi-autobiographique d’E. R. Braithwaite (Le chahut paru en 1959), Les Anges aux poings serrés de James Clavell est méconnu en France mais une institution aux États-Unis. Sans parler de sa chanson-thème To Sir With Love qui devient un tube (le single de la chanteuse Lulu sera le plus vendu de l’année 1967).
Le plus scandaleux
Jean Doucet dans LES RISQUES DU MÉTIER (1967)
Le film aurait aussi bien pu être titré La rumeur. Comme celle qui détruit la vie d’un innocent prof. Pour son premier rôle au cinéma, le chanteur Jacques Brel frappe fort. Accusé de gestes inappropriés par l’une de ses élèves, l’instit Jean Doucet a beau clamer avoir été piégé, tout le village se retourne contre lui. Tiré du roman homonyme de Jeanet Simone Cornec (1962), Les risques du métier aborde l’épineuse question de la pédophilie au sein du corps enseignant. Mais la vérité sort-elle vraiment de la bouche des enfants ?
Le plus précurseur
Richard Dadier dans GRAINE DE VIOLENCE (1955)
Graine de violence a aujourd’hui près de 60 ans et pourtant toujours troublant d’actualité. Basé sur le roman Blackboard Jungle d’Evan Hunter, le film met en scène un prof (Glenn Ford) qui tente de remettre sur le droit chemin ses élèves issus de quartiers défavorisés (parmi eux, le jeune et encore inconnu Sidney Poitier). A sa sortie, Graine de violence provoque une véritable petite révolution. Outre le portrait d’une classe d’ados à problèmes, il devient rapidement culte grâce à sa BO. Rock around the Clock de Bill Haley and his Comets devient un tube. Blackboard Jungle provoque des émeutes partout où il est diffusé, certains saccagent des fauteuils quand d’autres dansent dans les allées des salles de ciné. La Rock’N’Roll attitude est définitivement en marche.
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