***
Après Jalil Lespert au début de l’année, au tour de Bertrand Bonnello de livrer sa propre vision d’Yves Saint Laurent. Si le premier réalisait un biopic classique pour nous raconter la construction d’un mythe, le second en filme les entrailles et les démons. Le film de Bonello n’est ni meilleur, ni moins bon, juste diffèrent. Voire même complémentaire.
Saint Laurent est un film atmosphérique, quasi hypnotique, où des scènes très marquantes viennent illustrer les différentes facettes du couturier. On pense notamment à toutes les apparitions de Jacques de Bascher (Louis Garrel) qui entraîne Yves dans une débauche de sexe et de drogues. Une relation destructrice davantage mise en avant que dans Yves Saint Laurent, Lespert préférant de son côté, se concentrer sur les rapports plus paternalistes qu’il entretenait avec son mécène et fidèle compagnon, Pierre Bergé. Chez Bonello, ce dernier interprété par Jérémie Renier est un personnage plus que secondaire. Même Moujik, le chien d’Yves Saint Laurent est plus présent. Il faut dire que ce dernier prend part à l’une des séquences les plus édifiantes du film.
Côté performance, difficile de départager Pierre Niney et Gaspard Ulliel. Les deux effectuent un travail d’orfèvre tant dans la voix que le geste. Ulliel confère peut être une présence plus magnétique au créateur. Néanmoins, c’est un match nul entre les deux acteurs français. Les défilés sont de leur côté, clairement plus impressionnants chez Lespert* mais Bonello n’a nul besoin de chiffons pour nous éclairer sur le génie visionnaire du maître. Lors d’une scène façon « Nouveau look pour une nouvelle vie », Loulou de la Falaise incarnée ici par Léa Seydoux habille une cliente (Valeria Bruni Tedeschi) et dévoile le secret de son ami et patron. Sa réplique fait alors écho à une célèbre citation d’Yves Saint Laurent : « Les modes passent, le style est éternel, la mode est futile, le style pas ». En une phrase, Bonello illustre à merveille les raisons du succès de celui qui a révolutionné la mode consacrée aux femmes, et la femme tout court. Saint Laurent est plus une évocation sans concession d’un homme en souffrance qu’un biopic traditionnel et c’est bien là sa force.
*Pierre Bergé, strictement opposé au film de Bertrand Bonello, a par contre donné son aval à Jalil Lespert et mis à sa disposition les véritables créations d’Yves Saint Laurent. Il l’autorisa également à tourner dans leur véritable appartement Avenue Marceau, l’atelier du styliste et le jardin Majorelle de leur villa marocaine.
Sortie : 24 septembre 2014
De : Bertrand Bonello
Avec : Gaspard Ulliel, Jérémie Renier, Léa Seydoux, Louis Garrel, Amira Casar, Aymeline Valade, Helmut Berger, Jasmine Trinca, Valeria Bruni Tedeschi, Valérie Donzelli, Micha Lescot, Dominique Sanda, Brady Corbet…
Leave a Comment